Chapitre 1

Un nouveau commencement

Description : C:\Users\Lecto\Desktop\HP2\Lippert,Norman G.-[James Potter-2]La Malediction du gardien(2011).French.ebook.AlexandriZ_fichiers\/epubstore/N/L-Norman/La-Malediction-Du-Gardien//image005.jpg

— Allez, James ! cria Albus en sautant d’impatience. Laisse-moi essayer. Personne n’en saura rien.

James monta sur son Éclair-de-Tonnerre avant de répondre calmement à son frère.

— Tu sais très bien que je ne peux pas, Scroutt. Tu n’as pas l’âge requis. Tu apprendras à voler à l’école, comme tout le monde.

D’un coup de pied, il s’envola, et se pencha en avant pour que son balai traverse le jardin.

— Tu veux juste que je me ridiculise comme toi en première année ! cria Albus qui courait derrière lui. Ça ne marchera pas ! Je vais être brillantissime ! Tu verras, je te tournerai autour en volant.

James sourit en sentant le vent lui souffler au visage. Il se redressa, et plongea vers le sol, pour revenir vers son frère. Albus se figea, les sourcils froncés, puis il baissa la tête parce que James passait assez près pour lui effleurer les cheveux.

Resserrant sa prise sur son balai, James reprit de l’altitude et monta en vrille serrée vers le dôme azuré du ciel. En dessous, il voyait le Terrier onduler doucement, jetant une ombre immense sur le jardin alentour et les champs au-delà. James inspira profondément, puis releva le manche de son balai, s’arrêtant net en plein vol, comme un joueur confirmé. D’accord, c’était stupide de sa part de chercher à impressionner son jeune frère, mais James était quand même fier de ses talents récemment acquis. Tout l’été, son père l’avait aidé à progresser, aussi James était de plus en plus confiant que, cette année, il serait admis dans l’équipe de Quidditch de sa maison, à Poudlard.

Ted apparut à ses côtés, monté sur son Nimbus 2000 – vieux mais bien entretenu.

— Pas trop tôt, Potter ! cria-t-il. Même avec des joueurs expérimentés, ce n’est pas facile de jouer au Quidditch à équipe réduite, trois contre trois. Tu es batteur et attrapeur. Méfie-toi d’Angelina. Elle cherchera à te faire croire qu’elle est délicate, jusqu’au moment où elle t’enverra te planter dans un arbre. George joue batteur et gardien de but, aussi il sera plutôt occupé. Fais attention quand même, il risque de t’envoyer des cognards plutôt vicieux. Mais plus que tout, il faut que tu surveilles…

Quelque chose de rouge et vert passa à toute vitesse entre Ted et James, les forçant à s’écarter, et à lutter pour conserver leur équilibre. James s’accrocha à son manche à balai, et pivota, pour voir ce qui se passait. Sa mère fit un demi-tour fulgurant, avant de revenir doucement vers eux. Elle souriait, les joues rouges, ses cheveux roux tirés en arrière en une queue de cheval. Elle portait sa tunique des Harpies de Holyhead.

— Qu’est-ce que tu en dis, James ? Je suis encore en forme !

James entendit derrière lui un sifflet appréciateur. Il se tourna, et vit son père sourire à Ginny, à dix mètres du sol, sur son balai.

— Papa ! Maman ! protesta James en cachant son rire. Ça suffit. Franchement, vous êtes gênants.

Ginny écarta une mèche qui lui tombait dans les yeux.

— Fais attention à toi, mon petit cœur. Je suis ta mère, mais si tu cherches à me voler le vif d’or, je te pulvérise.

Avec un dernier sourire, elle pivota, et fila à l’autre bout du terrain.

— Elle plaisante, dit James en regardant Ted.

— Je l’espère pour toi, répondit Ted qui surveillait Ginny sur son balai. J’ai déjà joué contre elle, et je n’en jurerais pas. Enfin, j’espère quand même qu’elle ne cherchera pas à assommer son fils d’un coup de cognard derrière la tête.

— Merci, c’est vraiment rassurant, marmonna James.

Ted ne l’entendit pas. Il rejoignait son équipe, et se mettait déjà en position.

— Fais tomber James de son balai, maman ! hurla Albus depuis le sol.

James baissa les yeux, et vit son frère debout, à l’entrée du verger. Près de lui, Lily, Rose et Hugo étaient assis sur une grande couverture écossaise, les yeux plissés pour lutter contre la luminosité. Les jumeaux de Charlie, Jules et Harold, s’étaient perchés dans un vieux chêne noueux, à côté de la grange.

Rose envoya un coup de coude à Lily.

— Fonce, tante Ginny ! cria-t-elle gaiement. Flanque-le par terre ! Tu pourras toujours avoir un autre enfant, plus réussi. En plus, James a les pieds qui puent.

— Je t’ai entendue, cria James de son balai.

— J’espère bien, répondit sa cousine, moqueuse.

Elle le défiait, un sourire aux lèvres, les mains sur les hanches. Lily éclata de rire.

— Ça suffit, Rose, la réprimanda tante Hermione d’un ton réprobateur.

Elle était étendue sur une chaise longue, dans le jardin. Ron était à côté d’elle.

— Je jouerai dans ton équipe, Harry, si je pouvais, hurla-t-il. Mais un match à équipe réduite est une tradition Weasley. Après tout, peut-être y aura-t-il un blessé grave que je pourrais remplacer !

Hermione grimaça, et lui jeta un regard menaçant.

— Quoi ? se défendit Ron. On peut toujours espérer. (À nouveau, il regarda Harry.) Tu sais, l’année prochaine, il faudra que nous organisions une vraie rencontre, avec des équipes complètes.

— D’accord, acquiesça Harry à tue-tête. Après tout, on avait bien dit qu’on aurait tous les deux assez d’enfants pour jouer au Quidditch non ? Ce n’est pas le genre de promesses qu’on fait à la légère.

Au centre du jardin, en dessous des joueurs, Charlie avait le pied posé sur la vieille malle de Quidditch que possédaient les Weasley depuis des lustres. Il en sortit un souafle jauni par l’âge et couvert de taches d’herbe. Il le leva dans la main droite.

— J’annonce l’ouverture officielle du match annuel et traditionnel de la famille Weasley, cria-t-il avec un grand sourire. Je veux des joueurs vicieux, des coups tordus, des bosses et des écorchures, c’est bien compris ? Tout joueur qui n’aura pas le nez en sang à la fin du match sera renié de l’équipe Weasley et renvoyé chez les Potter.

— Jette ce souafle ou monte sur un balai, gamin ! hurla Harry.

Un éclat de rire général lui répondit, mêlé à des huées amicales. Charlie eut un sourire moqueur.

— Que le match commence ! cria-t-il.

Il jeta le souafle en l’air, et ouvrit la malle. Immédiatement, les deux cognards hargneux s’en échappèrent à toute vitesse, suivis par le vif d’or.

James inspira une grande goulée d’air, et plongea dans la mêlée.

Techniquement, il ne s’agissait pas de son premier match de Quidditch. Au cours de l’été, il avait souvent joué avec tous ceux qui étaient volontaires. Bien sûr, la plupart du temps, c’était seulement à deux contre deux. Une ou deux fois, ils avaient utilisé des « joueurs fantômes ». Ted les sortait d’une boîte magique que George leur avait donnée. C’était une nouveauté des magasins Weasley, Farces pour Sorciers facétieux, et George voulait la tester. Dès que la petite boîte en bois était ouverte, apparaissaient quatre épouvantards, ensorcelés pour ressembler à de grands joueurs de Quidditch décédés. Ils étaient très convaincants d’aspect, bien qu’un peu transparents. Le problème était que les épouvantards ne savaient pas du tout jouer au Quidditch. Malgré leurs tailles, ils avaient tendance à errer en travers du terrain, les bras levés, poussant des cris de spectres. De plus, les cognards les traversaient sans les renverser.

— Pas terrible, avait conclu George. Tant pis, ils apportent quand même une ambiance, non ?

De ce fait, aucun des matchs que James avait joué durant l’été ne ressemblait à celui de ce soir. D’abord, tous les Weasley avaient la compétition dans le sang, mais en plus, chacun des joueurs connaissait parfaitement le jeu des autres. Parfois, c’était bénéfique – par exemple quand George plongea sous un cognard avant de jeter le souafle derrière lui, sans même regarder, sachant qu’Angelina (qui jouait batteur) serait juste en position pour marquer un but d’un coup de batte. Par contre, de temps à autre, c’était franchement un inconvénient : Ginny prévoyait tous les meilleurs coups de Ted, et elle réussit même à lui piquer le souafle sous le bras, au moment où il s’apprêtait à marquer. Malgré la frénésie du match, il y avait régulièrement des rires et des encouragements des deux côtés. James était conscient que sa présence n’apportait pas grand-chose à son équipe. Il s’efforçait surtout de rester sur son balai, et de ne pas laisser sa mère le ridiculiser devant Rose et les autres. Il fut à la fois surpris et ravi de réussir quelques jolis coups de batte, envoyant les vieux cognards valdinguer avec fracas – et même, une fois ou deux, toucher leur cible. À un moment, l’un d’eux heurta le manche du balai de George, et le fit partir dans une vrille sauvage. Quand il retrouva son équilibre, George se tourna vers son neveu, et lui adressa un grand sourire plein de dents.

— Regardez un peu le petit James qui se déchaîne ! hurla-t-il à la cantonade. De quoi donner à réfléchir à la vieille garde. La prochaine fois, vise la tête, James. Joli coup !

Sur ce, il replongea dans la mêlée.

Dans le jardin, Ron s’était levé et trépignait sur place. Les deux mains en porte-voix, il hurlait des instructions et des avertissements.

— Formation Dragon ! beugla-t-il férocement. Formation Dragon, avec George en ailier. Harry a une faiblesse à gauche depuis qu’il a télescopé Angelina. Ils n’ont pas de défense à gauche. Ginny, penche à droite. Attention derrière toi ! Derrière toi ! Franchement, si c’est pour jouer comme ça, descends, et donne-moi ton balai !

À côté de son oncle, Albus criait tout aussi fort en faveur de l’équipe adverse. Il poussait parfois Ron à deux mains.

— Attention, ils prévoient une Voltige Waterloo, papa ! Recule, et retourne au centre ! Ted ! Maman a un problème avec son balai ! Elle est exposée ! Oublie que c’est une fille, et renvoie-la à l’Âge de Pierre d’un coup de cognard.

Hermione avait quitté sa chaise longue. Elle s’était installée sur la couverture à côté de Fleur. Avec application, les deux sorcières ignoraient le match, et étaient plongées dans une conversation animée.

Au moment où le soleil commençait à plonger derrière l’horizon en une énorme boule de feu, James remarqua un éclat brillant qui voletait près des volets du Terrier, au niveau du quatrième étage. Il regarda autour de lui et ouvrit la bouche pour alerter l’attrapeur, avant de se souvenir que ce soir, c’était son rôle. Le cœur tambourinant, il plongea en avant, le menton posé sur le manche de son balai. Il accéléra, contourna Angelina – et aussi un cognard qui arrivait sur lui à toute vitesse. Devant lui, il voyait les murs penchés du Terrier, les fenêtres à petits carreaux que le soleil faisait briller, l’aveuglant à moitié. Et à nouveau, il le vit, cet éclat d’or non loin d’une rangée de bouleaux, sur la gauche. Dès que James se pencha, l’Éclair-de-Tonnerre répondit au quart de tour, basculant à gauche, et fonçant sur le vif d’or. James était tellement penché qu’il éprouva la sensation de basculer à l’avant de son balai. Il ne voyait plus que la petite balle d’or terni.

Mais le vif d’or bondit, échappant à sa main tendue. James lui passa dessous. Il cria un gros mot, puis baissa la tête pour éviter d’être renversé par les branches d’un bouleau. Elles le flagellèrent, mais il le remarqua à peine. Il faillit tomber de son balai en se penchant pour freiner, puis il tourna la tête pour retrouver le vif d’or. Le soleil couchant l’aveuglait complètement. James plissa les yeux et, une fois de plus, aperçut la petite balle. Elle était revenue vers le Terrier, à l’angle, sous le toit, flottant comme une bulle de savon entre deux courants d’air. Une silhouette sombre se plaça soudain entre James et le soleil. C’était Ginny. Elle aussi avait vu le vif d’or. Quand elle croisa le regard de James, elle sourit, et s’accrocha à son manche pour accélérer encore.

— Oh non, pas question ! gronda James.

Les yeux fixés sur le vif d’or, sans se tourner pour regarder ce que faisait sa mère, il fonça tout droit. La balle avait senti qu’elle était poursuivie. En zigzagant, elle retourna vers le terrain de Quidditch, plongeant dans la mêlée des joueurs. James s’accrocha à son balai, lui demandant d’aller plus vite. Tout à coup, il se souvint que l’Éclair-de-Tonnerre était équipé d’un sortilège basique qui lui permettait d’être connecté à son propriétaire. Effectivement, le balai répondit et accéléra. James volait maintenant plus vite qu’il ne l’avait jamais fait. Il se glissa sous Ted et son père. Tous deux avaient vu le vif d’or leur passer devant, et James entendit leurs cris d’encouragement. Mais une ombre menaçante tomba sur son balai, James ne put s’empêcher de lever les yeux. Sa mère volait au-dessus de lui, fonçant elle aussi vers le vif d’or, sa cape claquant derrière elle. James fit la première chose qui lui traversa la tête. Brutalement, il pivota sur la gauche, s’éloignant du vif d’or, la main toujours tendue comme s’il s’apprêtait à l’attraper. Presque immédiatement, il corrigea sa trajectoire et rectifia l’angle de son balai. Sa ruse avait fonctionné. Il sentit le mouvement de sa mère au-dessus de lui. Ginny n’avait pas regardé le vif d’or, mais son fils, qu’elle croyait à sa poursuite. La petite balle était toujours à l’endroit où James l’avait vue, et cette fois, elle ne s’enfuit pas. James se tendit en avant, et resserra les doigts sur les ailes fragiles. Il les sentit vibrer dans sa paume. Il leva le poing au ciel. Le match était terminé.

Sur son balai, James ressentit une exaltation extraordinaire. Loin derrière lui, Harry et Ted levaient les bras au ciel, en hurlant. James mit quelque secondes à réaliser qu’il ne s’agissait pas de félicitations. En fait, les cris paraissaient alarmés. Zut ! James n’avait pas ralenti son balai. Au moment où il tournait la tête pour voir où il allait, un vieux pommier, au bout du terrain, se profilait devant lui. Une branche le cueillit au passage, lui coupa le souffle, et l’envoya valdinguer. Il se sentit tomber, puis atterrit lourdement sur le sol.

— Oooh, gémit-il.

Il entendit des pas précipités courir vers lui, et peu après, sa mère s’agenouillait à ses côtés.

— James ! Dis-moi que ça va ! ordonna-t-elle.

À côtés de Ginny, Lily regardait son frère, les yeux écarquillés. Une seconde après, Ted atterrissait près de James.

— Mais oui, tout le monde, il va très bien, dit-il en riant. Il n’est tombé que de deux mètres. De plus, il y avait par terre un matelas de pommes pourries. Ça a dû amortir sa chute.

Effectivement, quand James se rassit, il réalisa qu’une bouillie collante – et malodorante – lui tapissait le dos. À nouveau, il gémit, et secoua la tête. Des morceaux de pomme s’envolèrent de ses cheveux.

— Berk ! cria Lily en s’écartant. Ne fais pas ça, idiot, c’est dégoûtant.

James se souvint alors du vif d’or. Il ouvrit la main, et regarda à l’intérieur, avant de la montrer à sa mère, un grand sourire aux lèvres.

Ginny lui renvoya son sourire. Puis elle se redressa et tendit la main à James pour l’aider à se lever.

— Bien joué, mon petit cœur. Mais n’espère pas m’avoir deux fois avec ce coup-là.

— Est-ce qu’on a gagné ? demanda James une fois debout.

— Je crois qu’Albus et ton oncle se disputent encore pour le score final, répondit sa mère, mais à mon avis, oui, vous avez gagné.

À distance, effectivement, James entendit la voix tonnante de Ron traiter Albus de tricheur. Harry s’approcha de son fils, et lui enleva des morceaux de pomme pourrie collés dans le dos.

— Allez viens, dit-il, retournons au Terrier. Belle prise, James.

— Oui, approuva Ted, avec entrain. James, ta ruse a magnifiquement fonctionné. À mon avis, ta mère ne va pas te pardonner de sitôt. Tu t’es super bien débrouillé.

— Peuh ! Ça se discute, grommela George. (Le balai sur l’épaule, il se tourna vers sa sœur, et la considéra d’un œil furieux.) À ce que je sais, c’est précisément un membre de la famille Weasley qui a inventé cette ruse.

Ginny regarda son frère d’un œil innocent.

— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, George.

— Non ? Vraiment ? Tu m’étonnes. Si je me rappelle bien – et je sais que c’est le cas – les Harpies de Holyhead appelaient cette manœuvre le « pari de Ginevra ». Étrange, pas vrai, que tu aies cru à une ruse qui porte ton nom ? En fait, en y réfléchissant, je trouve ça infiniment suspect.

Ginny se contenta de hausser les épaules en souriant. Et George continua à fulminer contre elle durant tout le trajet retour. Angelina finit par intervenir pour le faire taire.

— James, dit Harry, va chercher ton frère et tes cousins, et ramène tout le monde à la maison pour le dîner. Ton grand-père ne va pas tarder. Il faut que tout le monde soit prêt pour lui faire la surprise.

— Papa, arrête de tripoter mes cheveux. (James essaya d’aplatir ses mèches raidies.) Regarde, maintenant je ressemble à toi sur tes vieilles photos.

— La pomme pourrie marche bien mieux que le gel qu’Hermione achète à prix d’or, remarqua Ted. Tu devrais le lui dire, James. Ron prétend qu’elle se ruine tellement avec ses produits capillaires moldus qu’ils n’ont plus rien à manger.

— Quoi ? cria Hermione, en donnant à Ron un coup de hanche. Tu as dit ça ?

James n’entendit pas la suite de la discussion. Il jeta son Éclair à son père, et se tourna vers les voix de ses cousins, maintenant réunis dans la grange.

— Hey, dit-il en s’approchant. C’est bientôt l’heure du dîner.

Peu après, il entrait dans le petit garage de pierre attenant à la demeure familiale des Weasley. Comme d’habitude, les portes en étaient grandes ouvertes. L’odeur, si familière, mêlait la terre battue du sol, la poussière des étagères, la graisse mécanique, la cire de bougie. James inspira, le cœur joyeux.

— Super coup, James ! crièrent les deux jumeaux, Jules et Harold, qui l’avaient suivi.

— Merci.

— Dommage que tu aies gâché ton effet en emplafonnant un pommier, ajouta Rose, moqueuse. Tu avais l’air fin !

James ne releva pas la pique de sa cousine. Son attention avait été attirée par autre chose.

— Hey ! s’exclama-t-il. Regarde ! C’est la voiture de Merlin. Qu’est-ce qu’elle fait là ?

Rose s’était assise sur le capot d’une vieille Ford Anglia. Elle baissa les yeux. La voiture avait été nettoyée avec un soin méticuleux, et en partie repeinte. Il lui manquait encore un phare à l’avant : il pendait misérablement sur ses fils électriques.

— Elle n’est pas à Merlin, andouille, se moqua Rose. Elle est à grand-père. Tu as oublié cette vieille histoire de voiture volante que ton père et le mien avaient emprunté pour retourner à Poudlard en deuxième année ? Ensuite, la voiture s’était perdue dans la Forêt Interdite. D’ailleurs, c’est là que Merlin l’a retrouvée l’an passé. Ensuite, il a appris qu’elle appartenait à grand-père, et s’est arrangé pour la lui renvoyer. Grand-père a passé presque tout l’été à la remettre en état.

La tête d’Hugo émergea de la vitre, côté conducteur.

— Tu sais, il veut aussi la modifier, annonça-t-il. Regarde un peu !

Il disparut à l’intérieur, et la voiture remua légèrement. Albus aussi s’était installé sur le siège avant.

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée… commença James.

Puis il fit un bond en arrière parce que deux ailes, encore encastrées dans une armature de bois et de toile, avaient jailli de sous le véhicule. Et elles se déplièrent, avec moult craquements et grincements. Ensuite, elles battirent l’air, de plus en plus fort, secouant violemment la voiture sur ses amortisseurs. Très vite, elles s’immobilisèrent.

— Heureusement que vous saviez comment les arrêter ! s’exclama James, les yeux écarquillés.

Albus actionnait tous les boutons et manettes du tableau de bord.

— Non, ce n’est pas moi, répondit-il. Elles se sont arrêté toutes seules. À mon avis, elles ne sont pas encore au point. J’espère ne pas avoir tout cassé. Hey, Hugo, viens par là, et saute dessus, voir ce que ça fait.

— Moi aussi, moi aussi ! hurlèrent les jumeaux en rejoignant leur cousin.

Les trois garçons montèrent sur les ailes et se mirent à les piétiner violemment.

— Non ! cria James, en levant les mains. Arrêtez de sauter. Vous allez tout casser, et grand-père va vous jeter un sort.

Hugo l’ignora ostensiblement, mais il fronça les sourcils parce que les deux ailes ne bougeaient plus.

— Dommage qu’oncle Percy et tante Audrey ne puissent pas venir. Lucy est un génie en mécanique. Je parie qu’elle serait capable de faire voler cette voiture.

— Je me demande pourquoi on lui a rajouté des ailes, dit Rose. Elle volait déjà avant.

— Non, plus depuis qu’oncle Harry l’a tamponnée dans le Saule Cogneur de Poudlard, cria Hugo à sa sœur. Tu ne te souviens pas ? La voiture était une épave ensuite. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle s’est enfuie dans la forêt, pour retourner à l’état sauvage.

— Tu racontes n’importe quoi, protesta Albus, outré. C’est ton père qui conduisait. Si mon père avait été au volant, je peux t’assurer qu’ils auraient atterri sans problème dans la cour centrale.

— C’est ça, dit Rose. Et pourquoi pas directement dans la Grande Salle, en passant par la fenêtre ?

Les jumeaux éclatèrent de rire. Puis ils coururent autour de la voiture, leurs bras tendus simulant des ailes, en poussant des cris de moteur et de crash assourdissants. Harold imita ensuite le Saule Cogneur, et heurta son frère, qui tomba à la renverse, et fit le mort.

— On s’en fiche, continua Hugo. Tout le monde a entendu parler des voitures volantes d’Alma Aleron. Grand-père a voulu voir s’il pouvait mieux faire voler la sienne.

James eut un grand sourire.

— Allez, venez tous. Il ne va pas tarder. Si nous ne sommes pas avec les autres, nous allons rater la surprise.

— Et le gâteau, ajouta Rose.

Cette précision retint l’attention de tous. Jules et Harold pivotèrent si vite sur leurs talons qu’ils faillirent renverser James en fonçant vers la sortie, se bousculant pour se passer devant. Albus haussa les épaules, et sortit de la voiture, suivi par Hugo. Rose quitta son perchoir sur le capot avant, et essuya à deux mains la poussière de son derrière.

— Grand-père a quand même des goûts particuliers, tu ne trouves pas ? demanda-t-elle.

En parlant, elle regardait autour d’elle, dans le garage. Il y avait la vieille Ford Anglia, mais aussi une étonnante collection d’objets moldus qui remplissait toutes les étagères. James les avait vus des centaines de fois, mais il y trouvait toujours des nouveautés. Il suivit sa cousine, et s’approcha des murs. Rose caressa du doigt certains objets, laissant des traces dans la poussière qui les recouvrait. Il y avait un assortiment de piles, des ouvre-boîtes électriques, des rallonges, des sèche-cheveux. Parmi les nouveautés, James remarqua un vieux modèle d’ordinateur portable, une console de jeux vidéo, un réveil digital en forme de personnage de dessins animés.

— Pourquoi grand-père aime-t-il autant ce genre de choses ? demanda Rose.

— Je ne sais pas, répondit James. Je pense que c’est parce qu’il a grandi dans le monde magique, comme un sorcier. Pas comme nous. Mon père a passé son enfance chez les Moldus, ta mère aussi. Ils ont toujours en eux quelque chose du monde moldu. Pour nous, ce n’est pas un mystère. Mais pour grand-père, les Moldus sont des étrangers aux coutumes étranges, presque des extraterrestres. Il aime comprendre le fonctionnement des choses, et leur usage.

— Mais il aurait pu suivre des cours sur les Us et Coutumes des Moldus dans une institution 3ème âge, remarqua Rose. Je crois que ces cours-là n’existaient pas encore quand il était à l’école.

Les deux cousins revinrent vers la porte. James haussa les épaules.

— Oui, peut-être. Mais grand-père n’aime pas apprendre comme ça. Il préfère comprendre. En décortiquant un appareil, il découvre par lui-même.

Rose pencha la tête, réfléchissant.

— Tu ne crois pas que c’est juste le mystère qui l’attire ?

— Non, quel est l’intérêt d’un mystère si on ne trouve jamais la réponse ? dit James, les sourcils froncés.

— James, franchement, c’est tellement une réponse de mec. À partir du moment où le mystère est résolu, il disparaît.

— Je te signale que grand-père, lui aussi, est un mec.

— Non, grand-père est un homme.

— Et quelle est la différence ? s’enquit James, plutôt sceptique.

Rose eut un reniflement dédaigneux.

— Pour te donner un exemple, un homme peut attraper un vif d’or sans sentir la pomme pourrie et empuantir l’atmosphère.

James poussa un cri et courut après Rose tout le reste du chemin, jusqu’à ce qu’ils entrent tous les deux dans la cuisine du Terrier. Ils y trouvèrent leur grand-mère Weasley, occupée aux derniers préparatifs. Elle houspillait tout le monde, tandis que chacun tentait désespérément de ne pas se trouver sur son chemin.

— Hugo ! Harold ! Ne touchez pas à ce gâteau ! Vous avez déjà mis des traces de doigts partout ! cria-t-elle en passant devant le comptoir, les bras chargés d’assiettes et de couverts. Fleur, ma chérie, pourrais-tu m’aider avec le pudding ? C’est le préféré d’Arthur, et je veux qu’il trône au milieu de la table. Franchement, je n’arrive pas à comprendre que cette famille soit devenue si nombreuse. Nous ne pouvons plus manger à l’intérieur sans nous marcher sur les pieds.

— C’est entièrement de ta faute, maman, affirma George. Tu as eu sept enfants, je te signale. Il est tout à fait normal pour la plupart d’entre nous d’essayer de faire mieux que toi.

— Tu n’as pas encore commencé, dit Angelina.

Avec un grand rire, elle lui jeta les bras autour du cou.

— Voyons, tu savais bien à quoi t’attendre, répondit George, aimablement. Je t’ai choisie pour tes hanches poulinières.

Angelina resserra sa prise sur son cou, et l’entraîna dans le salon, où beaucoup étaient déjà réunis.

— Alors, James ? demanda Bill. Comment s’est passé le match ?

Il était assis sur le canapé à côté de son fils, Louis. James haussa les épaules avec un sourire.

— Très bien. On n’a pas eu de mort. Et j’ai attrapé le vif d’or.

— Oui, dit Louis, avec un sourire amusé. Rose nous l’a déjà dit.

Quand James prit l’air écœuré, Bill éclata de rire. Molly entra, s’essuya les mains sur son tablier, et regarda autour d’elle, scrutant sa famille réunie.

— Oh ! cria-t-elle très agitée. Arthur sera là d’une minute à l’autre et je sens que j’oublie quelque chose d’important. Il est vraiment difficile de surprendre un sorcier. James ! Tu n’as pas changé de tee-shirt et tu es couvert de pomme pourrie. Non ! Ne t’assois pas surtout sur son canapé ! Va te… Non, tu n’as plus le temps de monter. Tant pis, je présume…

— Maman, dit Charlie qui s’approcha pour l’apaiser, du calme. C’est une fête d’anniversaire, pas une revue militaire.

Elle poussa un grand soupir, et laissa Charlie lui masser les épaules un moment.

— Franchement, je suis bien contente que votre père ait accepté ce poste de consultant au ministère. Au moins, de temps à autre, il quitte le Terrier. Je ne vois pas comment, sinon, j’aurais pu organiser cette surprise pour lui. Depuis que cet horrible Merlin est revenu… Oh ! Voilà ce que j’ai oublié ! Ronald ! As-tu pensé au…

— Au coffret de clés à douilles ? Oui maman, répondit Ron, avec un soupir résigné. Je l’ai récupéré moi-même dans un magasin d’outillage moldu. Il est bien emballé, sur la table, avec les autres cadeaux. Papa va l’adorer, maman. Du calme. Tu sais, si tu continues, George et moi allons devoir nous mettre au whisky-de-feu.

— Chut, coupa Ginny, les yeux braqués sur la cheminée. Il arrive.

Elle se pencha en avant, serra le bras de Harry et le tira contre elle. Dans la pièce silencieuse, chacun retenait son souffle, prêt à crier…

Les cendres de la cheminée virevoltèrent lentement, et une flamme verte apparut. Une haute silhouette se matérialisa, avec un « pop » sonore.

— Surprise…

Mais toutes les voix se turent presque immédiatement, à peine la seconde syllabe prononcée. Ce n’était pas Arthur Weasley. Il y eut un silence pesant. Toute la famille réunie dans le salon dévisagea Kingsley Shackbolt, que personne n’attendait.

Le visage de Kingsley était grave. Il regarda autour de lui, visage après visage, jusqu’à ce qu’il trouve Molly.

— Oh, non ! gémit la sorcière.

L’expression de Kingsley ne se modifia pas. Ensemble, lui et Molly se retournèrent vers l’horloge de famille qui était depuis longtemps chez les Weasley.

— Oh, non ! répéta Molly.

Les yeux écarquillés et brillants de larmes, elle leva lentement sa main pour se couvrir la bouche.

Tous les autres membres de la famille se tournèrent également vers l’horloge magique, dont chaque aiguille indiquait, au jour le jour, la position de chacun des Weasley – et leur état de santé. Presque toutes les aiguilles marquaient : « Le Terrier ». Mais pas celle d’Arthur Weasley. Une seule aiguille était braquée en bas, sur un petit mot gravé en rouge :

Décédé.

 

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— Arthur Weasley était un grand sorcier et un homme honorable, dit Kingsley de sa voix calme et mesurée. Envers ceux qu’il aimait, il était tendre, fidèle, et de bon conseil. Envers ceux qui méritaient sa colère il était juste, rigoureux, et féroce s’il le fallait. Parmi ceux qui ont grandi avec lui, qui connaissaient sa douceur, sa maladresse et son humour, personne n’aurait pu croire qu’il affronterait un jour l’Ennemi Public N°1 de son temps. Et pourtant, il l’a fait, avec le courage tranquille des êtres au cœur pur.

James était assis au second rang, entre Albus et Lily. Il gardait les yeux braqués sur le visage du sorcier qui parlait en chaire, se concentrait sur ses mots, et cherchait désespérément à ne pas voir le cercueil en bois laqué posé derrière Kingsley. Près de James, sa sœur renifla doucement, et s’appuya contre l’épaule de Ginny. Albus était raide comme un piquet, le visage pâle, tendu. La petite église de Loutry Ste Chaspoule était archipleine ; et il y faisait très chaud.

— Au cours de sa longue vie, continua Kingsley, Arthur a connu des moments merveilleux et des drames affreux. Dans sa famille, il a vécu un bonheur parfait, et mieux encore, il a été capable de l’apprécier à sa juste valeur. Il a souffert le plus durs des sacrifices, et l’a enduré sans se plaindre. Il était assez noble pour ne pas en devenir amer. Jamais la haine n’a eu de prise sur son âme. Jamais le vice ni la corruption n’ont réussi à l’atteindre.

James était vaguement conscient de la présence, dans l’assemblée, des nombreux membres de sa famille et autres amis, qui s’étaient déplacés de très loin pour être présents aujourd’hui. Il avait vu Hagrid entrer dans l’église, et de temps à autre, il entendait le demi-géant se moucher, quelques rangs derrière lui. Luna Lovegood était là aussi, avec son dernier compagnon en date, Rolf Scamandre. Dans son costume marron et ses énormes lunettes rondes, le long et maigre sorcier évoquait pour James un énorme insecte devenu humain – de ceux qui ressemblent à des bâtons secs. Il y avait également Neville Londubat et les Diggory, qui vivaient non loin du Terrier. De très nombreux collègues de grand-père, au ministère, étaient là aussi, la plupart arrivant directement de Londres.

Au premier rang, juste devant James, se tenait sa grand-mère, secouée de sanglots silencieux. Assis près d’elle, Bill, les yeux brillants, avait le bras posé sur les épaules de sa mère. James fronça légèrement les sourcils tandis que Kingsley continuait :

— Certains hommes vouent leur vie à la justice ; ils se consacrent à l’étude et aux charges qu’ils endossent. Certains autres recherchent le pouvoir et l’influence ; ils visent les positions suprêmes, pour être capables de décider de notre avenir. D’autres encore apprennent à combattre, et deviennent des guerriers légendaires aussi bien à la baguette qu’à l’épée. Ils sont toujours les premiers à se lancer dans la bataille, les derniers à la quitter. Arthur Weasley ne rentrait dans aucune de ces catégories. Il était au-dessus. Sa bienveillance n’était pas calculée ni mesurée. Sa position ne lui donnait aucune fierté. Et son combat ne visait pas la gloire. De façon naturelle, il avait atteint cette sérénité que la plupart d’entre nous s’efforcent éperdument de trouver. Il était un homme de pensée libre. Un homme pour qui le devoir et la loyauté n’étaient pas que des mots. Un homme qui aimait la justice, et l’amour. Parce que, avant tout, Arthur Weasley était père – mari – et ami.

Pour la première fois, Kingsley baissa les yeux, et serra les lèvres. Puis il ôta ses lunettes. Toujours perché sur l’estrade, devant l’assemblée, il conclut :

— Arthur Weasley était un grand homme, et il va nous manquer.

Dans le silence qui suivit son homélie funèbre, James lutta pour ne pas pleurer. Il était bouleversé, et troublé. Quand il avait compris ce qui se passait, l’autre soir, alors que toute la famille attendait devant la cheminée, dans le salon… avant de se tourner vers l’aiguille de grand-père, sur l’horloge de la famille, James s’était senti anesthésié. Normalement, il aurait dû ressentir du chagrin, de la colère, de la peur, mais non. Rien. Rien qu’un vide affreux, presque effrayant. Tandis que la famille se dispersait, et se lançait dans des conversations animées, des explications, et autres – Harry avait pris à part James, Albus et Lily dans la chambre de l’étage que les trois des enfants avaient souvent partagée.

— Vous avez compris ? avait demandé Harry.

Le visage triste et sérieux, il avait regardé chacun de ses enfants dans les yeux. Lily et Albus avaient acquiescé, en silence. James était resté figé. Il avait compris ce qui était arrivé à grand-père, alors pourquoi ne ressentait-il rien ? Harry avait serré dans ses bras ses trois enfants. Et James sentait encore le poids du visage de son père contre son épaule. Brûlant et humide.

Et maintenant, grand-mère et oncle Bill se levaient et approchaient du cercueil. James frissonna, anéanti sous le poids d’un chagrin qu’il s’efforçait de réprimer. Sa gorge le brûlait. Ses yeux étaient douloureux, et il cligna plusieurs fois des paupières pour ne pas pleurer. Il avait honte à l’idée de laisser couler ses larmes, et pourtant, il lui semblait mal de rester impassible. Il était écartelé entre des émotions contraires.

Pourquoi grand-père avait-il dû mourir d’une stupide attaque cardiaque ? C’était grotesque. Les grands sorciers devraient être protégés contre ce genre de choses. Grand-père avait affronté le serpent de Voldemort, et survécu pour le raconter. Comment un homme qui avait combattu les mages les plus noirs de tous les temps, qui avait fait de si terribles sacrifices, pouvait-il mourir de façon si banale ? James sentait l’injustice de ce destin peser comme un roc sur son cœur. À ses yeux, son grand-père aurait mérité d’échapper à un tel sort. Il aurait dû vivre quelques années de plus, et regarder grandir ses petits-enfants. Maintenant, grand-père ne verrait jamais James jouer au Quidditch, à Poudlard. Il n’assisterait pas au mariage de George et d’Angelina. Il ne connaîtrait pas leurs enfants. Il n’ouvrirait jamais son cadeau contenant le coffret des clés à douilles moldues. Il ne terminerait jamais les ailes qu’il avait commencées à installer sur la vieille Ford Anglia. La voiture resterait sans doute dans le garage, à moitié peinte, avec son phare déglingué, jusqu’à ce que la rouille détruise toute la magie que grand-père lui avait donnée. Personne d’autre ne s’intéressait à la mécanique. Un jour, tout serait jeté, éparpillé. Mort et enterré.

Au bout de la rangée, Harry se leva, et aida Ginny à le faire. Lily et Albus suivirent leurs parents, mais James resta assis. Il regardait droit devant lui, les joues brûlantes. Il ne pouvait pas y aller. Après un moment, Ginny prit ses deux enfants par la main et avança vers le cercueil. James vit son père se rasseoir à ses côtés. Il n’essaya pas de lui parler, Harry ne dit rien non plus, mais James sentit la main de son père sur son dos. Il en fut réconforté – juste un petit peu.

Quelques minutes plus tard, l’église était quasiment déserte. James cligna des yeux, et regarda autour de lui. Il n’avait même pas remarqué que les gens sortaient, un par un, sur le parvis illuminé du soleil d’été. Harry était toujours assis à ses côtés. James leva les yeux, et étudia un moment le visage de son père. Puis il se redressa, et ensemble, père et fils avancèrent vers le chœur.

James n’avait jamais assisté à des funérailles, mais il avait entendu parler de celles d’Albus Dumbledore – dont son frère portait le prénom. Son père avait été très proche de l’ancien directeur de Poudlard, et sa disparition avait été terrible pour lui. James se souvint que, au cours des funérailles de Dumbledore, un phénix avait surplombé l’assemblée et le cercueil, avant de jeter son cri magnifique et de disparaître en fumée. Quand James approcha du cercueil de son grand-père, il souhaita désespérément que quelque chose du même genre se produise. James n’avait jamais connu Dumbledore, mais à son avis, le vieux sorcier n’avait pu être meilleur que son grand-père. Pourquoi Arthur Weasley n’était-il pas béni lui aussi d’un adieu glorieux ? Malgré la ferveur de ses souhaits, James savait bien qu’il ne se passerait rien.

Il monta les quelques marches, approcha du cercueil, et regarda. Il n’aurait jamais pu le faire si son père n’avait pas été auprès de lui, avec sa lourde main sur son épaule. Étendu dans le cercueil ouvert, grand-père était le même, et pourtant, tout était différent. Son visage, quelque part, ne lui ressemblait pas. James ne savait pas au juste ce qui clochait, mais tout à coup, il comprit : grand-père était mort. Voilà. Tout à coup, de façon choquante, un souvenir lui revint en mémoire. Il revit grand-père assis sur un tabouret, dans son garage, au Terrier. Et lui, bien plus jeune, était sur ses genoux. Il jouait avec un avion que grand-père faisait voler, en imitant les bruits du moteur. À l’époque, James n’avait rien réalisé d’anormal, mais aujourd’hui, il comprit que son grand-père faisait voler l’avion devant derrière, par la queue. Il revit le sourire heureux du doux visage, et les yeux pétillant de malice.

— Tu sais, James, pour les Moldus, c’est comme un balai, avait-il dit en riant. Je n’ai jamais vu voler un avion, mais j’aimerais bien, James, mon garçon. Un jour, je crois que j’irais dans un aérodrome.

James ferma les yeux, aussi fort que possible, mais c’était inutile. Dès qu’il se pencha sur le cercueil, un énorme sanglot émergea de sa gorge. Harry Potter mit le bras autour des épaules de son fils, et le serra très fort contre lui. Il le consola dans un mouvement de balancier, tandis que James, comme l’enfant, qu’il était encore, pleurait toutes les larmes de son corps.

 

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— Ce n’était pas vraiment son anniversaire, disait Molly à Audrey, la femme de Percy. (Les deux sorcières étaient assises dans la cour derrière le Terrier, en plein soleil, un verre de punch à la main.) Arthur était du mois de février. Nous aurions fêté son 78e anniversaire « et demi ». Mais c’était la seule façon de lui faire une surprise. Bien sûr, j’aurais dû me douter qu’il s’arrangerait pour se moquer de moi une dernière fois. Que Dieu le bénisse ! Oh, Audrey…

James prit son verre de jus d’orange et quitta la terrasse, sans vouloir en entendre davantage. Il vit Hagrid, assis sur une chaise trop petite pour lui dont les pieds s’enfonçaient dangereusement dans la pelouse. Il avait l’air très mal à l’aise.

— Je connaissais Arthur depuis son entrée à Poudlard, dit le demi-géant à Andromeda Tonks, assise près de lui. Je n’ai jamais rencontré un aussi gentil garçon. Il avait toujours un sourire à offrir, une histoire à raconter. Mais sans le montrer, il était intelligent. Très intelligent.

James passa devant eux aussi discrètement que possible. Il aimait bien Hagrid, mais après sa crise de larmes à l’église, il se sentait épuisé. Il n’avait pas envie d’entendre d’autres histoires concernant l’enfance de son grand-père. Pas maintenant en tout cas. C’était trop triste.

Il vit Rose, Albus et Louis assis à une table pliante, au bout de la pelouse, un peu à l’écart. Il s’écarta des adultes pour les rejoindre.

— J’ai entendu dire que grand-mère allait vendre le Terrier, dit Louis au moment où James s’installait à leur table.

— Elle ne peut pas faire ça ! s’exclama Rose, horrifiée. C’est là que les Weasley habitent depuis… depuis… Je ne sais pas, mais depuis très longtemps – avant la naissance de nos parents. Ce serait comme perdre un membre de la famille.

Louis haussa les épaules.

— Mon père dit que c’est bien trop grand pour qu’elle puisse y vivre seule. Franchement, il y a quand même six étages, sans compter les combles et le sous-sol. De plus, il faut beaucoup de magie pour garder cet endroit en bon état. Maintenant que tous les enfants de grand-mère sont mariés, et que grand-père est mort, que ferait-elle ici toute seule ?

— Ce n’est pas bien, insista Rose. (Elle donna un coup de pied à la table, puis ouvrit de grands yeux.) Pourquoi grand-mère ne trouverait-elle pas quelqu’un pour vivre avec elle ? George et Angelina par exemple, quand ils seront mariés ?

James examina de loin l’assemblée formée par les membres de sa famille et leurs amis, illuminée de soleil, à l’autre bout du jardin.

— George ne peut pas à habiter au Terrier, dit-il. Il a ses magasins à faire tourner. De plus, je crois qu’Angelina a trouvé un travail à Pré-au-Lard. Ils parlent de louer une maison dans la rue, devant le magasin de George.

— Oui, et d’après ce que j’ai entendu dire, Ted vivra aussi avec eux, dans une partie du grenier, dit Louis, dont le visage s’éclaircit. Il veut entrer dans l’équipe nationale de Quidditch. En attendant, George lui a proposé un boulot de vendeur dans son magasin. Ça lui laissera le temps de s’entraîner.

— Ce n’est pas sérieux ! s’écria Rose en grimaçant. D’accord, Ted ne joue pas mal, mais comment peut-il espérer être du niveau de l’équipe nationale ?

À nouveau, Louis haussa les épaules.

— Maman prétend que George à tort de prendre Ted avec eux. D’après elle, Ted ne sait pas quoi faire de sa vie, aussi il glandouille. Elle dit qu’il devrait se reprendre en main, et travailler sérieusement.

— Tante Fleur dit ça à tout le monde, remarqua Rose.

James intervint avant que Louis ne puisse répondre.

— Tu es contente de rentrer à Poudlard cette année ?

— Crois-tu que l’ingrédient principal de la potion de perlimpinpin soit la racine de perlimpinpin ? demanda Rose, toute excitée.

James cligna des yeux, perplexe.

— Je présume que oui.

— Saviez-vous que le nouveau directeur a déjà apporté des changements dans le règlement, depuis l’année dernière ? signala Louis. Il a interdit le mélange des années dans les dortoirs, sauf entre les première et deuxième années, pour aider à la transition. Les horaires des cours seront plus réguliers. On ne pourra plus sauter les matières facultatives, et les repousser à l’année d’après. En fait, d’après ce que disent mes parents, Merlin a complètement éradiqué les changements établis par le directeur d’avant McGonagall, Tyran Lelourd.

— Dommage, marmonna James. J’aimais bien avoir des élèves plus âgés dans ma chambre, l’an passé.

— Tant pis pour toi. (Louis leva les sourcils, d’un air docte.) D’après ma mère, Tyran avait des vues d’avant-garde, et c’est lui qui a ouvert la voie au Mouvement du Progrès, à ces réformes et ces nouvelles idées au sujet de Voldemort. Et tout le monde sait que c’est de la foutaise.

James ne pouvait rien répondre à ça. D’ailleurs, il n’était pas surpris que Merlin ait déjà apposé sa marque sur Poudlard, et qu’il durcisse le règlement et la procédure standard.

— James, dans quelle maison crois-tu que nous irons ? demanda Rose. D’après mon père, je serai chez Gryffondor, mais avec lui, c’est normal. En fait, j’espère aller chez Serdaigle.

— Je n’ai pas la moindre idée des maisons que vous aurez, admit James. À mon avis, même le choixpeau n’en sait rien à l’avance. Quand il tombe sur ta tête, on dirait vraiment qu’il réfléchit, et découvre ça au dernier moment. Je ne serais pas surpris qu’en te voyant, il te donne immédiatement trois B.U.S.E. d’avance.

Rose s’appliqua à lisser sa serviette, posée devant elle.

— Tu sais, je suis peut-être la fille de ma mère, mais ce n’est pas pour ça que je suis un génie.

— Non, répliqua Louis. Mais je trouve suspect que tu aies déjà lu la totalité de l’Encyclopédie Magique des Potions et Antidotes, et que – en plus ! – tu te souviennes exactement du numéro de page où on trouve le baume de barlenouf. Tu sais, voilà ce qui fait de toi un vrai génie.

— Ce n’est pas vrai ! protesta Rose, les joues toutes rouges. C’est maman qui raconte cette histoire depuis des mois, et ce n’est même pas vrai. Elle m’a acheté ces encyclopédies pour mes dix ans, Merlipopette. Et si je les ai lues, c’est surtout que je voulais faire un charme de… euh…

Avec un sourire poli, Louis la regarda et insista :

— Un charme de quoi ?

Sans lever les yeux, Rose jouait avec sa serviette.

— C’est sans importance, dit-elle sèchement. Ce n’est pas de ma faute si je retiens les détails. De plus, c’était juste un antidote en cas d’empoisonnement aux baies d’if. Et je ne me souviens pas de la page exacte. Tout au mieux du chapitre où il se trouvait.

— D’accord, ça change tout, se moqua Louis.

— Ne t’avise pas de me parler sur ce ton, dit Rose. (Elle lui jeta sa serviette au visage et atteignit sa cible.) Tante Fleur est la seule qui réussit bien à être sarcastique. En fait, je pense qu’elle est née avec cette expression sur le visage.

Louis renvoya la serviette de Rose, et s’efforça de prendre un air compétent pour dire :

— Quant à moi, je m’attends à aller à Poufsouffle. Ils valorisent avant tout le travail sérieux et l’application. À mes yeux, l’école est quelque chose de sérieux.

Rose fit une grimace, et mima en silence les mots que venait de prononcer son cousin. James eut un sourire.

— Et toi, Albus ? demanda Louis avec un coup de coude en direction du frère de James.

Albus recula, et jeta un coup d’œil nerveux autour de lui.

— Franchement, je m’en fiche.

— Comment ça, tu t’en fiches ? répéta Louis, horrifié. Ta maison te définira durant toute la durée de ta vie scolaire. Franchement, c’est grave, si tu te retrouves dans une maison qui ne te convient pas.

— Et quelle maison ne me conviendrait pas ? insista Albus, boudeur.

— Eh bien, comment savoir ? répondit Louis, en écartant les mains. Chacun a des ambitions et des goûts différents.

— Albus Severus Potter, dit Rose, d’un ton sentencieux, Louis n’a pas encore trouvé cette réponse évidente. Dire que je ne le croyais capable de travail sérieux et d’application !

Louis se vexa, et jeta un regard noir à sa cousine.

— Je connaissais déjà le nom complet d’Albus, merci.

— Ce sont ses initiales qui donnent une indication, dit Rose moqueuse. A.S.P. Et l’aspic est un serpent.

— Et alors, qu’est-ce que ça veut dire selon toi ?

— Albus a la trouille d’être envoyé à Serpentard, annonça James, les yeux au ciel. Franchement, toute la famille en a plaisanté durant tout l’été. Le premier Potter chez les Serpentard !

— Oh, ça suffit, maugréa Albus, furieux.

— Quoi ? répondit James. C’est parfaitement possible, Al. D’ailleurs, j’ai bien failli y aller moi-même.

— Oui, je sais, c’est ce que tu n’arrêtes pas de prétendre, répondit son frère plus calmement. Mais ensuite, quelle gloire ! Tu as terminé chez les Gryffondor. Le digne héritier du grand Harry Potter dans la même maison que son cher papa. Qui l’aurait cru ?

— C’est vrai, mais Serpentard ne peut pas être si mauvais, dit James avec sincérité. Après tout, Ralph y est. Et il ne s’en porte pas plus mal. Peut-être, si tu te retrouves avec lui, vous transformerez complètement les anciennes légendes de la maison. Qu’en dis-tu ?

Avec une grimace, Albus se pencha en avant et posa le menton sur ses avant-bras.

— Tu sais, Albus, le vert est ta couleur, dit Rose gentiment. Regarde, ça va très bien avec tes yeux, et le noir de tes cheveux.

— C’est vrai, ajouta Louis. Et j’ai entendu que dans leurs dortoirs, on se sert du sang de dragon, aussi bien chaud que froid.

Albus se releva d’un bond, et quitta la table sans répondre. Rose se tourna vers Louis, un sourcil levé.

— Quoi ? se défendit son cousin. Franchement, j’ai vraiment entendu dire ça. Il paraît que les Serpentard chassent encore les dragons, même si c’est interdit. (Il secoua la tête.) Bon, tu ne dois pas être au courant. Les filles ne s’intéressent pas à la chasse.

— Tu ne devrais pas croire tout ce qu’on raconte, dit une voix derrière eux.

James se tourna, leva les yeux, et vit un homme au visage pâle et aux traits acérés. Près de lui, se tenait une jeune femme brune et plutôt jolie. Le sorcier eut un sourire pincé.

— Désolé de vous interrompre. Je m’apprêtais à vous demander si j’étais au bon endroit, mais de toute évidence, c’est le cas. Tu es bien James Potter, non ?

James hocha la tête, passant de l’homme blond à la jeune femme brune. Ils étaient élégants, distingués, mais d’aspect plutôt réfrigérant. Tous les deux portaient des vêtements noirs. James eut soudain l’idée que son ami Zane, s’il avait été présent, aurait immédiatement fait une plaisanterie sur le risque que couraient des vampires à émerger en plein jour. Les deux sorciers étaient parfaitement coiffés, et James se demanda si leur reflet apparaîtrait dans un miroir. En fait, il était heureux que l’Américain ne soit pas là.

— James, continua l’homme, pourrais-tu être assez aimable pour me conduire jusqu’à ton père ? Je suis…

— Drago ?

James se retourna, et vit sa mère approcher lentement. Elle examinait le sorcier avec un mélange de stupéfaction et de méfiance.

— Ginny, répondit l’homme.

Il y eut un long silence pesant, puis la femme brune intervint :

— Mrs Potter, nous sommes venus vous présenter nos plus sincères condoléances.

Elle essaya de sourire, mais sa grimace fut plutôt forcée.

— Harry sait-il… ? commença Ginny, les yeux toujours braqués sur le sorcier.

— Maintenant, il le sait, répondit Drago.

Il regardait derrière l’épaule de la mère de James, son menton pointu légèrement relevé. Harry Potter se plaça au côté de sa femme, et examina l’homme pâle de haut en bas.

— Je suis heureux de te revoir, Drago.

Drago hocha lentement la tête, sans réellement croiser les yeux d’Harry.

— Oui, ça fait très longtemps. Nous avons appris le décès de Mr Weasley, et j’ai pensé qu’il serait… approprié de vous offrir nos condoléances.

Cette fois, James savait qui était cet homme pâle, même s’il ne l’avait jamais rencontré en personne. Il compara l’image du sorcier adulte qu’il avait sous les yeux avec les rares photos que son père avait gardées du jeune Drago Malefoy. Les yeux étaient les mêmes, très bleus, très pâles, tout comme les cheveux d’un blond blanc, tirés en arrière. Les lèvres minces exprimaient aussi une moue hautaine, comme autrefois, mais James eut la sensation que cette expression n’avait pas réellement de signification. Drago avait si longtemps porté cette moue qu’elle était désormais gravée en lui, sans qu’il en soit conscient. Ce n’était plus qu’une caractéristique de son visage.

Un long moment, Harry étudia Drago, puis il sourit. Et James comprit qu’il s’agissait du sourire mondain de son père.

— Merci, Drago. Ginny et moi te sommes reconnaissants de ta visite. Sincèrement. Présente-moi ta femme.

Drago passa la main autour de la taille fine de la sorcière, et répondit :

— Bien sûr, excuse-moi. Voici Astoria.

Harry salua, et Ginny serra légèrement la main tendue. Puis elle eut un sourire, et dit :

— Voudriez-vous prendre un rafraîchissement ?

Astoria se tourna vers Drago, un air interrogateur sur le visage. Drago examina, avec un sourire, le verre de jus d’orange que James tenait toujours.

— Volontiers, merci, je prendrai ce qu’il a, répondit-il. Et toi, chérie ?

Ginny les conduisit vers les tables où était servi le buffet. Astoria marchait lentement, son regard ne cessant de passer d’Harry à Drago. Le père de James ne chercha pas à mêler les nouveaux arrivants avec le groupe réuni devant la porte du Terrier.

— Comment ça se passe chez Gringotts, Drago ? demanda-t-il. Je croyais que les sorciers étaient interdits chez les gobelins, et pourtant, tu es vice-président de leur conseil d’administration à ce que j’ai entendu dire. Bravo ! À l’école, autrefois, nous ne l’aurions jamais cru si quelqu’un nous avait dit que tu finirais aussi haut placé dans la plus grande banque du monde magique d’Angleterre.

— À l’école autrefois, répondit calmement Drago, les yeux toujours baissés, nous ne l’aurions jamais cru si quelqu’un nous avait dit que nous serions un jour côte à côte, dans le même jardin, sans pointer notre baguette l’un sur l’autre.

Le sourire d’Harry disparut.

— Oui, admit-il à voix basse. C’est vrai.

Il y eut un long silence. James entendait au loin le bourdonnement des voix, près de la maison, et le chant des oiseaux dans le verger. Il se tourna vers sa cousine, Rose, qui elle aussi regardait la scène avec un intérêt non dissimulé. Elle leva les sourcils, et secoua la tête doucement.

Drago eut un petit rire sans joie.

— Tu sais, reprit-il d’une voix différente, pour te dire la vérité, je n’aurais jamais pu prédire autrefois la vie que je connais aujourd’hui. Tout a bien changé depuis nos années à Poudlard.

Harry ne souriait plus du tout. Le visage grave, il examina l’homme pâle d’un regard attentif.

— En grandissant, on apprend de sa famille diverses choses, continua Drago, et il est parfois difficile de les remettre en question. Nous sommes plus ou moins formatés par ceux qui nous éduquent. Il y a les générations précédentes et leurs croyances qui pèsent sur nous, qui nous donnent un modèle à suivre. La plupart du temps, j’imagine que c’est une bonne chose.

Pour la première fois depuis son arrivée, Drago Malefoy regarda Harry Potter droit dans les yeux. Il n’y avait plus aucune moue hautaine sur son visage.

— La plupart du temps, Harry, oui, c’est une bonne chose. Mais parfois, en grandissant, le temps passe, et nous sommes obligés de jeter un coup d’œil en arrière. Et de tout remettre en question. Et alors, il est trop tard. Bien trop tard pour espérer réparer.

James quitta Drago des yeux pour examiner son père, qui avait un visage toujours aussi impassible. Puis, Harry Potter jeta un coup d’œil derrière lui, vers le Terrier, et il soupira.

— Écoute, Drago, si tu as quelque chose à dire, crois-tu vraiment que ce soit…

Drago secoua la tête, et l’interrompit.

— J’ai peut-être quelque chose à dire, et ce n’est pas le bon moment. Je ne suis pas venu te demander de me pardonner, Harry. Je suis simplement venu te présenter, à toi et à ta famille, mes condoléances. Contrairement à ce que tu pourrais croire, je sais parfaitement qu’Arthur Weasley était un homme bien. Un sorcier honorable. Mon père ne serait sans doute pas d’accord avec moi, mais comme je viens de le dire, avec l’âge, on voit parfois les choses différemment.

Harry hocha la tête.

— Merci, Drago.

Drago fit un pas en avant, vers Harry.

— J’avais une autre raison pour venir te voir aujourd’hui, je dois l’admettre. Je voulais me prouver quelque chose à moi-même.

Harry ne tressaillit même pas.

— Que voulais-tu te prouver ?

Sans quitter Harry des yeux, Drago eut un petit sourire.

— Simplement que je pouvais te parler. Et plus important encore, que tu m’écouterais.

Drago tendit la main droite. Sans baisser les yeux, Harry la prit et la serra. James avait du mal à croire ce qu’il voyait, surtout en sachant les différends qui avaient opposé ces deux sorciers dans le passé. Bien entendu, il ne s’agissait pas vraiment d’une grande réconciliation larmoyante. De plus, James était sûr que Drago ne serait jamais venu si un autre membre de sa famille avait été au courant. Et pourtant, c’était impressionnant. La poignée de main ne dura que quelques secondes ; cinq minutes après, Drago et Astoria étaient repartis. James regarda leur énorme automobile noire disparaître.

Mais l’image de cette poignée de main, aussi fragile et merveilleuse qu’une bulle de savon, resta très longtemps dans sa mémoire.

 

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La plupart des membres de la proche famille passèrent la nuit au terrier, et James ressentit une tristesse particulière en sachant que ce serait sans doute la dernière fois que tous se trouveraient ainsi réunis dans la vieille maison. Malgré l’activité fébrile de la soirée, un vide palpable pesait sur les pièces, une sorte de tristesse froide qui paralysait tout le monde. C’était presque comme si, mentalement, chacun recouvrait les meubles d’un drap, décrochait les tableaux, partageait la vaisselle. James éprouvait une colère latente qui ne trouvait pas sa cible. Comme si ce n’était pas assez horrible que grand-père soit mort. Maintenant, le Terrier lui aussi disparaissait à son tour. Rien ne paraissait normal ou chaleureux. Même la chambre qu’il partageait avec Albus et Lily depuis tant d’années lui semblait vide et glacée. Il n’avait jamais pensé que cette pièce, un jour, pourrait appartenir à quelqu’un d’autre. À un étranger. Pire encore, les nouveaux propriétaires pourraient parfaitement être Moldus incapables de maintenir en place la vieille bâtisse. Et s’ils décidaient de détruire la maison pour en construire une neuve ? James ne pouvait supporter cette idée. Furieux, il claqua la porte, et se prépara à se coucher.

Lily marmonna et roula dans son lit, cachant sa tête sous son oreiller.

— Surtout, ne t’occupe pas de nous, se moqua Albus depuis son grand lit, dans le coin. Après tout, on ne faisait que dormir. Mais si on te gêne, n’hésite pas à nous le dire.

— Désolé, grommela James.

Il se laissa tomber sur son lit, et jeta ses chaussures.

Albus se rassit et regarda la porte de la chambre. James tourna la tête, pour vérifier ce qui intéressait tellement son frère. Ils connaissaient cette porte depuis toujours : elle était couverte de graffitis, gravés dans le bois. Au cours des années, de nombreux enfants de la maison avaient dormi ici, et chacun d’entre eux avait un jour ou l’autre laissé une trace sur le panneau, à la grande fureur de grand-mère. Et pourtant, jamais elle n’avait tenté d’effacer le moindre graffiti – ce qui, pour une sorcière, n’aurait pas été difficile. James croyait savoir pourquoi. Au beau milieu de la porte, un des plus anciens dessins marquait les jours par des encoches, et au-dessus de la liste, il y avait écrit : « Bientôt la liberté ! » En dessous, la même main, d’une écriture large et audacieuse, avait signé : « Longue vie à Fred et George. À Poudlard et à jamais. »

— Tu crois vraiment que grand-mère va vendre la maison ? demanda James, les yeux toujours fixés sur les graffitis de la porte.

Albus ne répondit pas. Au bout d’un moment, il se laissa retomber en arrière et se tourna, fixant le mur, la plupart de ses couvertures tirées jusqu’au menton.

James enleva sa chemise, et enfila son pyjama. Puis il traversa la chambre jusqu’à la salle de bain, pour se brosser les dents. Il y avait trois chambres à l’étage qui partageaient cette salle de bain. Lucy, la fille de Percy, était assise sur la grande baignoire en fonte aux lourdes pattes de lion, et elle coiffait avec application ses longs cheveux noirs et brillants.

— Salut, James, dit-elle en lui jetant un coup d’œil.

— Salut, Lucy.

— Je suis contente de te voir. Cet été, vous m’avez vraiment manqué, dit Lucy, sans cesser ses coups de brosse. Papa affirme que l’an prochain, nous passerons plus de temps avec la famille. J’étais vraiment contente, jusqu’à aujourd’hui. Parce que, l’année prochaine…

Quand elle ne termina pas sa phrase, James se contenta de hocher la tête.

— Oui.

— Ça t’a plu, ta première année d’école ? demanda Lucy en le regardant. Tu es content d’y retourner ?

Une fois de plus, James hocha la tête. Puis il ramassa le verre posé à côté du lavabo. Il y avait dedans différentes brosses à dents ; il grimaça en les examinant, cherchant à retrouver la sienne.

— J’ai vraiment envie de commencer l’école, dit Lucy. Papa prétend que je devrais savourer ma liberté tant qu’elle dure, mais je ne trouve pas vraiment que vivre dans des chambres d’hôtel, une semaine à droite, une semaine à gauche, soit une telle liberté. Maman affirme que c’est mieux que nous voyagions tous autour du monde, avec papa, pour rester une vraie famille. Mais je crois surtout qu’elle adore voyager. Elle n’arrête pas de nous emmener, Molly et moi, visiter des endroits historiques. Elle y prend des photos, nous demande de sourire devant une statue, un rocher, un champ de bataille, ou n’importe quoi. J’ai écrit beaucoup de lettres, mais personne ne me répond. Du moins, pas aussi souvent que je l’aimerais.

Elle regardait James d’un air entendu – ce qu’il remarqua dans le miroir, tout en se brossant les dents.

— Qu’est-ce qui ne va pas avec Albus ? demanda tout à coup Lucy en posant sa brosse.

James rinça sa brosse à dents avant de répondre.

— Quoi ? Pourquoi tu demandes ça ?

— Je trouve qu’il est resté ce soir incroyablement silencieux. Ça ne lui ressemble pas.

— Tu sais, tout le monde a été différent ce soir, répondit James. (Il se tourna vers sa cousine, avec un sourire triste.) Enfin, presque tout le monde.

Quand elle passa devant lui, Lucy lui envoya un petit coup pour rire. À la porte, elle s’arrêta, et le regarda derrière son épaule.

— Nous serons probablement repartis quand tu te lèveras demain matin, dit-elle simplement. Nous devons retourner au plus tôt au Danemark, d’après ce que dit papa.

— Oh, dit James, sans savoir quoi dire. D’accord, bon voyage, Lucy. Je suis désolé pour toi. Mon père affirme qu’oncle Percy est un personnage important pour le Ministère de la Magie. J’espère simplement, qu’avec le temps, sa vie pourra changer. Tu ne crois pas ?

— L’an prochain, ça n’aura plus d’importance, répondit Lucy avec un sourire. Je serai à Poudlard, avec toi, Louis, Rose et Albus. J’attends ça avec impatience.

James la regarda. Il trouvait toujours étrange de parler avec sa cousine. Il l’aimait beaucoup. En fait, il l’aimait même davantage que tous les autres, surtout Louis. Mais Lucy était… bizarre. Différente. C’était sans doute normal : après tout, elle avait été adopté par oncle Percy et tante Audrey quelques années après leur mariage, quand ils croyaient ne pas pouvoir avoir d’enfants. Parler à Lucy était un peu comme parler à Luna Lovegood. Toutes deux prenaient tout au pied de la lettre. Lucy était d’une intelligence extrême, presque surnaturelle, mais contrairement à la plupart des gens, elle ne plaisantait jamais, et ne comprenait pas l’humour. Elle disait toujours exactement ce qu’elle pensait.

— Cette année, James, j’aimerais vraiment que tu m’écrives une lettre ou deux, dit-elle, en le regardant de ses yeux noirs et sérieux. Pour me raconter comment ça se passe pour toi à l’école. Pour me faire rire. Je sais que tu peux le faire.

Une fois de plus, James acquiesça.

— D’accord Lucy. C’est promis.

Tout doucement, Lucy retourna dans la chambre qu’elle partageait avec sa sœur. James s’apprêtait à retourner dans la sienne quand un mouvement soudain le fit s’arrêter. Il tourna la tête. Il y avait quelque chose dans le couloir. La porte était légèrement entrouverte, mais derrière, il faisait sombre. Quelqu’un devait sans doute attendre qu’il sorte pour prendre la salle de bain. Il ouvrit la porte et se pencha pour dire :

— J’ai fini. La salle de bain est à toi.

Mais le couloir était désert. James regarda de tous les côtés. Au bout du couloir, il y avait des escaliers, et James savait que toutes les marches craquaient. Il aurait certainement entendu si quelqu’un venait de les descendre. Il fronça les sourcils, et s’apprêta à retourner dans sa chambre, quand à nouveau, il y eut un mouvement, dans un rayon de lune, non loin de la grande fenêtre. Une ombre… qui dansa un moment, avant de se figer.

James sortit carrément dans le couloir, les yeux fixés sur le carré blanchâtre dessiné par la fenêtre sur le mur et le sol. Il n’arrivait plus à distinguer ce qui avait bougé. Dès qu’il avança de quelques pas sur le palier, son pied fit craquer le plancher. En entendant ce bruit, l’ombre bondit vers la fenêtre, en plein dans le rayon de lune. Il glissa sur le rebord de la fenêtre, comme une sorte de lézard sinueux, mais bien plus long, avec des bras et des jambes. James crut discerner une silhouette humaine – une grosse tête – des oreilles pointues. Et tout à coup, tout disparut.

La peau hérissée de chair de poule, James s’immobilisa. L’ombre avait fait un bruit curieux en bougeant, comme des feuilles mortes frémissant sur des cailloux. James tendit l’oreille, et à nouveau, il entendit ce bruit, en bas des escaliers, sur le palier d’en dessous. Sans réfléchir, il descendit les marches.

Comme d’habitude, le bois des escaliers craqua bruyamment. Du coup, le temps d’arriver en bas, James avait complètement perdu le bruit qu’il poursuivait. L’horloge de la famille Weasley envoyer son tic-tac discret dans l’obscurité du salon quand James y entra, avant d’avancer jusqu’à la cuisine. Il y avait une chandelle qui brûlait encore dans une flaque de cire près de la fenêtre. La lune éclairait la pièce, renvoyant des reflets sur les innombrables casseroles de cuivre accrochées au mur, au-dessus du fourneau. James s’arrêta, et pencha la tête, pour mieux écouter.

Le curieux grincement recommença, et James vit l’ombre qui sautait devant les placards, apparaissant de temps à autre dans le rayon de lune. On aurait dit que l’être cherchait à entrer dans le garde-manger. James regarda rapidement autour de lui, essayant de trouver qui renvoyait une telle ombre. Il n’y avait personne.

L’ombre s’arrêta soudain au coin du plafond, et sembla regarder James de là-haut, durant un moment. La petite ombre ressemblait un peu à celle d’un elfe de maison, mais il y avait bien trop de jointures dans ses bras et ses jambes. Et tout à coup, à nouveau, il sauta dans la pénombre. James plongea en direction de la créature, sentant qu’elle s’enfuyait vers la porte de derrière. À sa grande surprise, la porte était grande ouverte.

James émergea comme une fusée dans l’air froid de la nuit. Il chercha autour de lui, et écouta, guettant le grincement qu’il avait déjà entendu. Mais il ne vit aucun signe de l’ombre qu’il poursuivait.

— Bonsoir, James, dit une voix derrière lui.

Il faillit pousser un cri de surprise. Il pivota, et vit son père, assis sur un tas de bois, un petit verre à la main. Harry se mit à rire.

— Désolé, fils. Je ne voulais pas te faire peur. Pourquoi es-tu si tendu ?

James regarda une fois de plus autour de lui, le front plissé.

— Je pensais… je pensais avoir vu quelque chose.

Harry lui aussi regarda autour de lui.

— Tu sais, il y a beaucoup de choses à voir dans cette maison : la goule dans les combles ; les gnomes dans le jardin. En général, ils ne rentrent pas dans la maison, mais quelques-uns parfois se montrent plus braves et cherchent à voler un navet ou deux pendant la nuit. Ils considèrent que le jardin leur appartient, et que c’est du vol de leur prendre la récolte. Aussi, de temps à autre, ils se montrent un tantinet mercenaires.

James avança jusqu’au tas de bois, et y grimpa pour s’asseoir aux côtés de son père. Il se pencha pour examiner le contenu de son verre.

— Qu’est-ce que tu bois ? demanda-t-il.

À nouveau, Harry eut un rire tranquille.

— En fait, c’est plutôt ce que je ne bois pas, dit-il. C’est du whisky-de-feu. Je n’ai jamais tellement aimé ça, mais c’est une tradition, et je me dois de la respecter.

— Quelle tradition ?

— Une façon de se souvenir, dit Harry avec un soupir. Une gorgée pour me rappeler ton grand-père, et tout ce qu’il signifiait pour nous tous. Je l’ai fait autrefois, avec ton grand-père et George, la nuit où nous avons enterré ton oncle Fred.

James resta silencieux un moment. Il avait le regard perdu dans le jardin, et dans le verger obscur. Juste sous la pente de la colline, on voyait la masse du garage de grand-père dans le clair de lune. La nuit était chaude, et de nombreux criquets chantaient encore.

— Je suis heureux de t’avoir avec moi, James, dit Harry.

James leva les yeux vers son père.

— Alors pourquoi n’es-tu pas venu me chercher ?

— Je ne sais pas, dit Harry en haussant les épaules. En fait, avant de te voir, je n’étais même pas conscient d’avoir besoin de toi.

James s’appuya contre la pierre douce des fondations de la maison. Après la chaleur du jour, la fraîcheur que conservait le mur était agréable. Le ciel était incroyablement clair. On voyait la Voie Lactée tracer un arc de lumière sur le velours noir du ciel, pointant vers le village voisin dont les lumières scintillaient au-delà du verger.

— Ton grand-père a été un père pour moi, tu sais, dit Harry. Je m’étais assis ici pour y penser. J’avais l’habitude de lui téléphoner très souvent, mais jamais je ne me suis réellement arrêté pour réfléchir à ce qu’il représentait pour moi. En fait, je suppose que jusqu’ici, je n’en ai pas éprouvé le besoin.

James avait la tête renversée, et les yeux fixés sur la lune.

— Oui, c’est logique. Après tout, tu as perdu ton père quand tu étais bébé. Tu ne l’as même pas connu.

— Oui, acquiesça Harry. Et mon oncle Vernon… J’aimerais pouvoir te dire qu’il m’a élevé comme son fils, mais tu as entendu suffisamment d’histoires à son sujet pour savoir que ce n’est pas vrai. Franchement, je ne savais même pas ce que je manquais. Je savais juste que ma vie chez les Dursley n’avait rien d’agréable, et que ce n’était pas normal.

— Jusqu’à ce que tu épouses maman et devienne un Weasley honoraire ?

Harry eut un sourire, regarda son fils, et hocha la tête.

— Oui, je suppose.

— Tu supposes seulement ?

Le sourire disparut lentement du visage de son père. Harry détourna la tête, et examina l’obscurité, au-delà du jardin.

— Il y a eu Sirius, dit-il. Il a été le premier père que j’aie jamais connu. Bien sûr, en principe, il n’était que mon parrain, mais je m’en fichais. Il m’avait demandé de venir habiter chez lui, de former une famille. Mais ça n’a pas marché. Il était accusé par le ministère, et il a dû s’enfuir et se cacher, durant des années. Mais il a fait de son mieux pour m’aider. Il m’a acheté un balai, un Éclair-de-Feu. Je n’ai jamais autant aimé un balai de toute ma vie.

Quand Harry s’arrêta, il leva la main et ôta ses lunettes. James resta silencieux.

— Alors tu vois, j’étais assis ici, en réfléchissant que ton grand-père était quand même le troisième père que je perdais. Et que j’étais revenu à mon point de départ, orphelin. Si tu veux la vérité, mon fils, j’étais plutôt triste de mon sort. Sirius a été tué avant même que j’aie la chance de prendre une photo de nous deux ensemble pour me souvenir de lui. Parfois, j’ai du mal à revoir son visage. Il ne me reste que l’affiche qui a été placardée partout quand il s’est évadé de prison. Il a laissé dans mon cœur un gouffre que personne n’a jamais comblé. J’ai vaguement essayé de compenser avec le vieux directeur de Poudlard, Dumbledore, qui s’est beaucoup occupé de moi durant un moment, mais lui aussi a été tué. Très longtemps, ton grand-père m’a aidé à oublier les pertes que j’avais subies. Mais aujourd’hui, il est mort à son tour. On aurait pu croire que, avec le temps, ça devienne plus facile pour moi d’accepter la disparition de ceux que j’aime. Mais ce n’est pas le cas. Je suis en colère, James. Je veux retrouver les gens que j’ai perdus. Je n’arrive pas à les oublier ; je n’arrive pas à continuer à vivre comme les autres. Alors, je me suis assis là, à penser que ton grand-père était pour moi une perte de trop. Je ne veux plus rien accepter. Mais que puis-je faire ? Il n’y a aucun espoir de faire revenir les disparus, et le souhaiter ne fait que rendre les pertes plus amères. Voilà, je pensais à tout ça, et tout à coup, sais-tu ce qui s’est passé ?

Le front plissé de perplexité, James regarda une nouvelle fois son père.

— Non. Quoi ?

Harry eut un long sourire.

— Tu as jailli de cette porte comme un diable de sa boîte, et tu m’as fait si peur que j’ai failli en lâcher mon verre.

James éclata de rire.

— Donc, en me parlant comme ça dans le noir, tu as cherché à te venger ?

— Peut-être, admit Harry qui souriait toujours. Mais surtout, au même moment, j’ai réalisé quelque chose d’important. Et c’est pour ça que j’étais si content de te voir, et que tu t’assoies avec moi. Je me suis rappelé que j’avais une autre chance de vivre cette relation père-fils, mais de l’autre côté. Je vous ai tous les trois – toi, et Albus et Lily. Et je peux faire de mon mieux pour vous donner ce que je n’aie pas connu. Et tu sais ce qui est vraiment magique ? C’est qu’en le faisant, je retrouve un peu de ceux que j’ai perdus ; comme un reflet, dans vous trois.

James dévisagea son père, le front plissé. Il avait la sensation de comprendre ce que Harry exprimait, mais à peine. Finalement, il examina une fois de plus le contenu du verre de son père.

— Alors, tu vas boire ça ?

Harry baissa aussi les yeux sur son verre de whisky-de-feu, puis il le leva et regarda la lune à travers le liquide ambré.

— Tu sais, fils, dit-il, je crois qu’il est temps pour nous de commencer une nouvelle tradition. Qu’en penses-tu ? (Il tendit son bras et annonça :) C’est pour toi Arthur, pour le père que tu as été pour nous tous, et pour moi surtout. Et pour vous, Dumbledore, pour le travail formidable que vous avez fait jusqu’à la fin… et pour toi papa, le premier James que je n’ai jamais connu, mais que j’ai toujours aimé…

Les yeux fixés sur le verre que son père tenait, James réalisa qu’Harry restait silencieux. Au bout d’un moment, d’une voix plus douce, Harry termina :

— Et pour toi, Sirius Black, où que tu sois. Tu me manques. Vous me manquez tous.

D’un geste lent, Harry jeta le whisky-de-feu vers la Lune. Le liquide traça un grand cercle et renvoya des éclats de lumière avant de disparaître dans l’obscurité du jardin. Harry inspira profondément, puis soupira, en frissonnant un peu. Il se pencha en arrière, et mit le bras sur les épaules de son fils, qu’il serra contre lui.

Ils restèrent un moment assis, en silence, à regarder la lune, à écouter les criquets du verger. James ne réalisa pas qu’il s’endormait. Ni que son père le ramenait jusque dans son lit.

 

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La Malédiction du gardien
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